lundi 11 juillet 2011

Sémantique des caractères chinois


L'inversion des places Objet et Sujet en chinois

Les caractères chinois ou sinogrammes sont composés d'éléments que l'on appellent radicaux ou clefs. Ces radicaux ont un chacun un sens. En les combinant on obtient tous les caractères chinois.

Certaines combinaisons sont plus cocasses que les autres. Certaines sont sont sélectionnées ci-dessous.

 (porte) +  (barre) =  barre en travers de la porte (barre de porte, verrou)

Une fois que l'on a sourit, réfléchissons sur l'effet produit par cette combinaison.

Le caractère  semble représenter une porte stylisée. De même, le caractère   représente ce qu'est une barre.  Nous sommes donc enclins à considérer que ces deux caractères représentent des objets.

Cependant, l'ajout de     à     se définit comme une opération que les grammairiens nomment une "attribution".  En s'attribuant une   , La porte  闩  se différencie de la porte . Il y a plus qu'une attribution, il a une action opérée par l'attribut : "la barre bloque la porte".

Ramené au modèle "un Sujet agit sur un Objet", le caractère     devient le Sujet de l'action, et le caractère   devient l'Objet de l'action. La réunion des deux caractères 闩 prend le sens d'une Action : "bloquer".

Dans une phrase française, dans le cas général, le Sujet précède l'Objet :

" La barre (Sujet)  bloque la porte (Objet) "

Dans un caractère chinois composé tel que   l'Objet est considéré comme premier et le Sujet vient en second, ce qui pourrait se traduire comme : 

= " la porte   (Objet)  est bloquée par la barre  (Sujet)  "


Action "active" et "action "passive"

L'action peut s'envisager de deux point de vue : du point de vue du Sujet, qui mène l'action ("Action active"),  du point de vue de l'Objet, qui subit l'effet de l'action ("Action passive").

Si nous faisons une équivalence logique, en considérant le rang d'apparition dans la phrase, en français,
 "l'action active" vient en premier avec le Sujet,

" La barre (Sujet)  bloque ... (Objet) "


tandis qu'en chinois, "l'action passive" vient en premier.

" la porte   (Objet)  est bloquée par .. (Sujet)  "

La marque de "premier rang" donnée à "l'action passive" suggère que la porte se caractérise par un "premier niveau de blocage", ou un "blocage latent", ou encore un "blocage en puissance". L'action de blocage effectuée par la barre ou le verrou viendra donc comme une actualisation de la puissance latente contenue dans la porte.

Comme l'action était déjà là virtuellement, le second caractère précise l'action, :

门 (porte) + 一 (barre) = 闩 barre en travers de la porte (barre de porte, verrou)
"la porte ferme par un blocage / la barre assure le blocage

La porte sera vraiment une porte lorsqu'une barre ou un  verrou la maintient bloquée.

Cette logique de correspondance entre le virtuel et le réel s'applique également à l'être humain

Un homme a de grandes oreilles. Le développement des oreilles est la marque extérieure du développement interne virtuel.

*   耳 (oreille) +  大 (grand)  = 耷 grandes oreilles = "oreilles à grandir / oreilles grandies "



Images de la femme chinoise

*  女 (femme) + 户 (porte) = 妒 une femme dissimulée dans l'entrebaillement d'une porte observant secrètement les autres concubines (jalousie)
   
devient   "observer secrètement / observer derrière une porte"

*  女 (femme) + 疾 (maladie) = 嫉 la maladie des femmes (jalousie)

devient "se situer par rapport à d'une autre femme / se rendre malade de jalousie"

*  女 (femme) + 票 (billet) = 嫖 une femme se fait donner un billet de banque (aller aux prostituées)

devient "échanger son corps / échanger son corps contre un billet"

Donc, ces expressions révèlent des traits culturels profonds, qui font de la femme celle qui est réduite à échanger son corps, à se tenir cachée, à se situer par rapport à une autre femme.


Images du corps humain

La reformulation est simple quand le premier caractère est explicitement un verbe :

* 入 (entrer) + 肉 (viande) = 肏  baiser  (entrer dans la viande)

devient "entrer / entrer dans la viande"

Par contre, lorsque le caractère peut représenter  un "être solide" (au sens occidental), l'action sous jacente n'est pas évidente. Pourtant, les trois expressions qui vont suivre montrent bien que "l'être" au sens chinois s'accompagne explicitement d'une série d'actions qui décrivent les interactions entre "l'être" et son environnement.

Ainsi, dans les exemples suivants, on voit que le corps humain s'étend ou se creuse, ou bien transforme les substances qu'il a ingéré. Le corps humain n'a pas de traits stables. Il n'est appréhendé qu'au travers des marques, des empreintes laissées par les actions par lesquelles il vit.

 * 尸 (corps) + 米 (riz) = 屎    la merde  (le riz qui mijote dans le corps)
devient "le corps qui transforme / le riz est transformé en merde"

* 尸 (corps) + 吊 (pendouiller) = 屌   la queue (ce qui pendouille du corps)

devient  "le corps qui s'étend en partie / la partie fine qui pendouille"

* 尸 (corps) + 穴 (cavité) = 屄   le vagin (la cavité du corps)

devient "le corps qui se creuse / le vagin qui est creusé"


La culture comme attribut de l'homme



Que se passe-t-il entre ces hommes stylisés et cet animal ?