samedi 12 mai 2012

Lao Tseu : féminin, noir illimité

Lao - Tseu (chapitre XXVIII)

Connais le masculin,
Adhère au féminin.
Sois le Ravin du monde.
Quiconque est le Ravin du monde,
la vertu constante ne le quitte pas.
Il retrouve l'enfance.
Connais le blanc.
Adhère au noir
Sois la norme du monde.
Quiconque est la norme du monde,
la vertu constante ne s'altère pas en lui.
Il retrouve l'illimité.


Encre de chine. 2008.


 Ou la renaissance du Phénix : devenir Cendre pour renaître Feu

lundi 7 mai 2012

Chine : nuages, montagne, eau

Dans les peintures chinoises, pourpres ou azurés, passés au lavis ou nimbés d'un halo lumineux, brumes et nuages montent de la vallée vers le sommet, évoluent d'un mont à l'autre, alimentant un processus de métamorphoses perpétuelles.

Les Chinois ressentent de vives émotions envers les brumes et les nuages. Matière insaisissable et évanescente entre toutes, les brumes et les nuages leur apparaissent comme des substances charnelles.

Dès lors, ils entretiennent avec eux des rapports "sensuels".

Les poètes conseillent de "dormir au sein des brumes et nuages" ou de "caresser brumes et nuages". Et les adeptes du taoïsme recommandent de se "nourrir de brumes et nuages".

Métamorphoses de la Montagne  / disponible

D’après la cosmologie chinoise, le souffle primordial émanant du Vide originel se divise en deux souffles vitaux Yang et Yin, lesquels, par leur continuelle interaction, régissent le fonctionnement des Dix mille êtres du monde créé.

Selon l'imaginaire chinois, à la fois condensation de l'eau et en même temps, forme de montagne, le nuage est un Vide médian qui participe des deux natures. Avec les métamorphoses des brumes et nuages baignant ses flancs, la Montagne semble prête à plonger pour se fondre dans l'Eau, et l'Eau, elle, à monter pour s'ériger en Montagne.

Ainsi, la Montagne s’accomplit comme mouvement originel.

Le Yang et le Yin, représentant respectivement le principe de la force active et celui de la douceur réceptive, s'incarnent, à différents niveaux de l'univers vivant, dans des entités formant couple.

C'est ainsi que le Ciel-Yang s'accouple avec la Terre-Yin ; dans l'ordre céleste, à leur tour, le Soleil-Yang s'accouple avec la Lune-Yin, et dans l'ordre terrestre, la Montagne-Yang avec l'Eau-Yin.

Il ne s'agit pas d'une opposition rigide et statique, mais d'un accouplement véritable. Grâce au Vide médian, les deux entités s'attirent dans la tension et se complètent dans l'harmonie. Elles sont dans un rapport de devenir réciproque.

Chaque entité, douée de sa propre nature Yin ou Yang, est amenée à solliciter l'autre et à acquérir par-là les vertus de son partenaire. En sorte que dans l'idéal le véritable Yang doit contenir du Yin, et le Yin du Yang.


L'accouplement Yin Yang / disponible



Vestiges de l'époque originaire, des rochers se dis-posent les uns par rapport aux autres, dans une attitude "éternellement provisoire", les uns semblant immobiles et les autres en chute.

Grâce au flux des nuages, les mouvements secrets de la Montagne deviennent les Figures Yin féminines de notre Terre commune.


Le Vent révélant la Montagne comme Yang / disponible

Comme dans un couple humain où il convient que l'homme possède des vertus féminines et la femme des vertus masculines, la Montagne n'est pas "solide" dans sa nature Yang.

A son origine "vague figée", la Montagne n'a de cesse de se développer en Eau. De son coté l'Eau, Yin en son état naturel, ne se révèle-t-elle pas Yang lorsqu'elle se mue en vague puissante ?

Avant tout Yang par ses rochers et ses pics, La Montagne est également Yin grâce à ses sources et ses cascades. 

La cascade comme Yin de la Montagne / emporté

Ainsi, la Nature s'impose comme un ensemble dynamique, en perpétuel devenir.


A chaque génération, les sages et artistes chinois cherchent avec ardeur à communier avec la Montagne. Ils se perdent volontiers au cœur des "mille cimes et dix mille grottes" pour, à travers l’ admiration des beaux sites, trouver l’hospitalité dans la demeure des forces vitales.

Assis à la même table des forces qui animent l'Univers, le sage ou l’artiste accomplit en lui l'alliance entre Terre et Ciel. Selon l’idéal taoïste, il goûte la nourriture de l'immortalité.

Le mot désignant un Immortel en idéogramme est un composé du signe "Homme" et du signe "Montagne" : 

L'immortalité du Sage / emporté
Nota

Ces peintures ont comme références les peintres Qiu Xing (fin du 16ème siècle) et Ren Xiong (19 siècle). Les couleurs que j'ai utilisé peuvent étonner par leur vivacité, pourtant, elles sont classiques dans l'histoire de la peinture chinoise.

Confidence : ce sont ces couleurs de la tradition qui m'ont inspiré.

Qiu Xing (fin du 16ème siècle)
Ren Xiong 19ème siècle
Ren Xiong 19ème siècle


Sur l'histoire de la peinture chinoise, et le dessin du marbre de Dali comme matrice de la peinture des montagnes, voici mon hypothèse :
http://chine-immortelle.blogspot.fr/2010/09/le-marbre-de-dali-et-paysages-chinois.html